Je vais devoir vous laisser.
Le cancer a décidé de prendre ses aises et m'entraîne jour après jour vers la fin du chemin.
Après 129 chimios et de nombreuses chirurgies, le couperet est tombé la semaine dernière : on arrête, ce n'est plus efficace.
J'ai connu près de dix ans d'espoir, de vie confortable, malgré la maladie. Quand je repense à tous ces jours en plus, c'est énorme.
Il y a dix ans apparaissaient mes premiers symptômes. Et quelques semaines plus tard, quand, répondant à mes craintes, un médecin m'a dit : "Oui, Madame, vous avez un cancer", tout était allé très vite dans mon esprit. À 42 ans, j'allais laisser mes trois garçons de 15, 13 et 10 ans, et leur papa, alors qu'évidemment, ils avaient encore besoin de moi.
Fin 2012, je ne savais pas que j'allais tenir debout si longtemps, continuer à travailler et à élever mes enfants et à accompagner mon mari. À rire, courir, pleurer, parler, et voir, et croire, et boire, danser, crier, manger, nager, bondir, désobéir ! J'ai pas fini, j'ai pas fini, voler, chanter, partir repartir, souffrir, aimer ! Je l'aime tant le temps qui reste.
Si on m'avait raconté que j'allais connaître des personnes formidables, des docteurs, des soignants, des aidants... et même des amis "virtuels" dont certains ont pris corps et chair. De belles rencontres. Je remercie les personnes qui m'ont adressé un mot, un sourire, un geste bienveillant. Et je remercie même les autres, celles qui ont détourné le regard, peut-être guidées par l'appréhension de devoir trouver les mots, ou simplement ne voulant pas côtoyer la maladie. Comme elles se sont trompées elles-mêmes: je ne suis pas triste, je ne l'ai jamais été !
Parfois, même souvent, on loue mon courage : je l'ai déjà dit, je ne suis pas courageuse, je n'ai simplement jamais eu le choix que de rester en ordre de marche pour avancer et passer les étapes de la maladie. J'ai toujours été accompagnée, entourée, épaulée. Ce sont les malades seuls qui sont courageux.
Durant toutes ces années, j'ai tenté de poursuivre ma route dans la joie, pour montrer la voie à mes enfants, leur expliquant de ne pas accorder d'importance aux petites tracasseries du quotidien, mais au contraire leur intimant de ne jamais quitter l'essentiel des yeux : l'amour et la bienveillance.
L'avantage de savoir que je vais mourir disons "bientôt", c'est que j'ai conscience de l'importance de dire je t'aime à ceux que j'aime !
Il va falloir me laisser partir et poursuivre chacun son chemin. Je fais confiance à mon équipe de garçons pour évoquer un petit souvenir de temps en temps, se rappeler comme j'étais pénible de ceci, comme je pouvais être agaçante de cela. Mais toujours avec tendresse.
❤
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Francoise (samedi, 22 octobre 2022 17:01)
Très belle leçon de vie pour chacun d’entre nous ! « Vivre PLEINEMENT le temps qu’il nous reste « en choisissant l’essentiel AIMER, se le dire, admirer , remercier , pardonner, fixer notre regard sur le beau , le bon ,sur La Vie , la Vraie Vie celle qui a le pouvoir de nous unir pour toujours.