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Angoisse de la mort ?

La mort ne me fait pas peur. La mort ne m’angoisse pas.

Si je fais l’impasse sur l’aspect religieux, car c’est une discussion que je n’ai pas envie d’avoir sur Facebook, la mort est pour moi la fin de la vie, c’est-à-dire une énorme frustration. Partir avant la fin, quitter la séance au milieu du film. Laisser seul mon mari. Laisser mes enfants. Être l’Absente. C’est bien pour eux que les choses vont être les plus difficiles. Moi, j’aurai traversé.

Au-delà de l’aspect affectif et de l’amour entre conjoints et parents-enfants, c’est aussi ne pas partager ces nombreux moments agréables que nous aurions pu vivre ensemble, c’est ne pas être là pour des événements heureux ou malheureux. C’est anticiper la peine qu’ils vont ressentir. C’est cette peine qui fait qu’aujourd’hui, il ne sert à rien de pleurer, ils pleureront après, ils pleureront l’Absente.

Mais ils sont grands et heureusement, mûrs pour résister à cela.

Au sein du foyer, ce sera, pour ceux qui restent, retrouver un nouvel équilibre, sans moi, pour toutes les tâches de la vie quotidienne. Justement, ces tâches les occuperont davantage et la gestion du quotidien les aidera, car ils n’auront pas le temps de toujours penser à l’Absente. Pour avoir connu quelques deuils, c’est sans doute la première année qui est difficile, avec les souvenirs plus proches de l’année précédente, les « premiers » que l’on ne vit ni que l’on ne fête plus de la même façon : le premier été, le premier Noël, le premier anniversaire…

Je n’ai pas peur de la mort, je suis triste à l’idée de partir avant tout le monde. Quand j’ai rencontré mon chéri, j’avais imaginé que nous deviendrions deux petits vieux usés et que la plus belle chose qui pourrait nous arriver serait de partir main dans la main. Ensemble. Et me vient toujours à l’esprit l’image de ce couple âgé, l’un contre l’autre, ou devrait-on dire, l’un avec l’autre, dans le lit dans leur cabine du Titanic, qui attend que l’eau monte.

Maintenant, j’accepte enfin que mon chéri reste seul. Et surtout, j’accepte l’idée qu’il ne restera peut-être pas seul. Ça a pris du temps. Je lui ai dit, je l’encourage même à cela. Je veux dire que je conçois dans mon esprit que son cœur aime une autre femme, pour l’accompagner un peu plus loin. Pour ne pas rester seul. Et malheureux. Pour vivre de vrais moments de bonheur, encore.

Mon attrait un peu enfantin pour le romantisme laissait parfois mon esprit divaguer, jusqu’à imaginer l’homme meurtri, le mari désespéré qui ne se remettrait jamais d’avoir perdu son grand amour. Mais ça, c’est beau au cinéma. Je ne peux pas souhaiter qu’il souffre. Dans la vraie vie, nous avons besoin de compagnie. Vivre seul est certainement très difficile. L’important sera qu’il me fasse vivre dans ses souvenirs. Avec tendresse.

C’est toujours une question d’entourage, finalement. Si l’on est seul à affronter l’idée de la mort, oui, cela doit être angoissant. Je n’ai pas peur de souffrir. Peut-être que je souffrirai et que l’on calmera mes souffrances. J’espère ne pas paniquer quand viendra la déchéance, quand nous ne pourrons plus faire comme si, quand le cancer se verra sur mon corps épuisé et mon visage marqué. Je retrouverai certainement un peu de sérénité en pensant que l’arrivée de la mort sera une libération.

 

Quand la mort arrive brutalement, on n’a pas le temps de penser à cela. C’est peut-être mieux. Beaucoup le pensent ou le disent. Moi, je continue de penser que j’ai une certaine « chance » de vivre ma vie autrement depuis plus de huit ans, car j’ai conçu dans mon esprit et vécu dans ma chair ce que VIVRE signifie. Pour l’instant, j’essaie d’avaler le plus de souvenirs possibles pour que la mort me trouve indigeste et renonce à m’avaler. Un soir après l’autre, je gagne du terrain. 

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