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Au revoir là-haut

A cinq heures du matin, je tourne et tourne encore, j'ai dû dormir un peu plus de trois heures cette première nuit de chimio, comme d'habitude, mais tant pis. La journée sera difficile, j'ai un travail en cours, ça ira mieux demain. 

Je sors du lit le plus discrètement possible pour ne pas réveiller mon chéri, et je descends m'envelopper dans une couverture, je me retrouve assise sur le canapé du salon, face à mes incertitudes.Je sors ma tablette pour vider ma tête, parce que je pense à l'avenir et que parfois, oui, j'ai peur. Alors pour avoir moins peur, je pense à ces derniers instants qui arriveront bien un jour, que je verrai arriver à moins d'être victime d'un accident plus soudain. Mais ça, on ne le maîtrise pas. Vraisemblablement, je ne serai pas centenaire, ni même octogénaire. J'ai déjà atteint le niveau 50, ce n'était pas tout à fait gagné au départ. Je peux peut-être viser le niveau 60 ? Allez, 55, ce n'est pas mal non plus (mes enfants auront sans doute un peu plus construit leur vie et se seront "fait à l'idée" de mon départ).

Il me vient à l'esprit que pour avoir moins peur, il faut se jeter à l'eau et imaginer quels seront mes derniers instants.Je serai entourée des miens, assûrément. Je serai apaisée, car je saurai que j'ai fait le maximum pour en arriver là tout en essayant de ne pas transmettre trop d'idées noires à mes chers et tendres. Je sais que je serai encore aimée, même dans la fragilité de mon corps. Je souhaiterais justement que les miens puissent me dire "au revoir là haut" dignement, pas comme malheureusement cela peut avoir lieu par les temps de Covid que nous connaissons. Je souhaiterais qu'ils continuent d'évoquer mon souvenir, qu'ils se disent que je les ai tant aimés, qu'ils apprennent à parler de moi en mon absence, un peu, beaucoup, passionnément... qu'ils se rappellent comme je peux (pouvais) être parfois pénible à toujours leur recommander de prendre soin d'eux, mais que c'étaient simplement des mots d'amour. 

Je souhaiterais aussi qu'ils écoutent avec attention cette chanson de Reggiani, tellement belle. "Le temps qui reste" :

 

Combien de temps...

Combien de temps encore

Des années, des jours, des heures, combien ?

Quand j'y pense, mon coeur bat si fort...

Mon pays, c'est la vie.

Combien de temps...

Combien ?

 

Je l'aime tant, le temps qui reste...

Je veux rire, courir, pleurer, parler,

Et voir, et croire

Et boire, danser,

Crier, manger, nager, bondir, désobéir

J'ai pas fini, j'ai pas fini

Voler, chanter, parti, repartir

Souffrir, aimer

Je l'aime tant le temps qui reste

 

Je ne sais plus où je suis né, ni quand

Je sais qu'il n'y a pas longtemps...

Et que mon pays, c'est la vie

Je sais aussi que mon père disait :

Le temps, c'est comme ton pain...

Gardes-en pour demain...

 

J'ai encore du pain

Encore du temps, mais combien ?

Je veux jouer encore...

Je veux rire des montagnes de rires,

Je veux pleurer des torrents de larmes,

 

Je veux boire des bateaux entiers de vin

De Bordeaux et d'Italie

Et danser, crier, voler, nager dans tous les océans

J'ai pas fini, j'ai pas fini

Je veux chanter

Je veux parler jusqu'à la fin de ma voix...

Je l'aime tant le temps qui reste...

 

Combien de temps...

Combien de temps encore ?

Des années, des jours, des heures, combien ?

Je veux des histoires, des voyages...

J'ai tant de gens à voir, tant d'images..

Des enfants, des femmes, des grands hommes,

Des petits hommes, des marrants, des tristes,

Des très intelligents et des cons,

C'est drôle, les cons, ça repose,

C'est comme le feuillage au milieu des roses...

 

Combien de temps...

Combien de temps encore ?

Des années, des jours, des heures, combien ?

Je m'en fous mon amour...

Quand l'orchestre s'arrêtera, je danserai encore...

Quand les avions ne voleront plus, je volerai tout seul...

Quand le temps s'arrêtera..

Je t'aimerai encore

Je ne sais pas où, je ne sais pas comment...

Mais je t'aimerai encore...

D'accord ?

 

(Paroliers : Dabadie Jean-loup / Goraguer Patrick / Goraguer Alain)

 

Je suis incapable d'écouter ces mots sans pleurer, mais ce n'est pas très grave, parfois, ça fait un bien fou de laisser couler les larmes, pour mieux rebondir après, évidemment ! Car cette chanson est une invitation à aimer la vie, non ? Et nous savons tous, malades ou non, quel est le bout du chemin. Alors, carpe diem.

Cela me fait penser à ce dessin de Snoopy que j'ai posté il y a quelques jours sur mon profil perso : "Un jour, nous allons tous mourir, Snoopy. - Oui, mais tous les autres jours, nous allons vivre". Dessin en (presque) noir et blanc, mais qui prend une couleur toute particulière pour nous, les malades, les patients et patientes qui savons que peut-être, nos jours sont "plus" comptés. Alors vivre, oui, et toutes ces actions que chante Serge Reggiani dans sa magnifique chanson, chanson du tout autant magnifique film "Deux jours à tuer" dont l'interprète principal est le grand Albert Dupontel, peuvent nous donner la niaque !

 

Pardon d'être passée par ces idées grises, pour arriver au rose de la journée qui s'annonce.

 

Allez, hauts les coeurs, on se remet à l'endroit dans sa tête et on se dit que l'on va regarder le soleil se lever et passer une bonne journée. Parce que jusqu'ici, tout va bien.

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